Moi qui habite Villiers-le-bel et y connaît un peu de monde, j'ai eu exactement la même réaction que vous. A la fin du reportage, j'ai dit à ma femme : "Mais il est où, Milou ?"  Franchement, il n'y a dans cette émission pas l'once d'un travail journalistique, pas un atôme d'investigation. On pose la caméra, on filme et c'est tout. Ca aurait pu être un reportage sur les inuits ou les papous de Nouvelle-Guinée, ça aurait été pareil.

Et c'est là que c'est grave. Sous le vernis de la sensiblerie des témoignages individuels (honorables et vrais), on conforte le spectateur-type de TF1 (français, blanc et provincial) que la banlieue, c'est bien un ailleurs, un pays étranger plein de gens qui ne vivent pas comme nous, avec des codes et des cultures différentes. Sauf que :
- On est en France à 20 kms de la Tour Eiffel. Donc, c'est insupportable pour le spectateur-type de TF1.
- C'est faux. Ici comme partout ailleurs, les droits et les devoirs républicains existent bel et bien. L'immense majorité des gens fait partie de cette France qui se lève tôt chère à Sarkozy, et que M. Roselmack n'a pas pu rencontrer, parce qu'ils en ont plein la casquette qu'on les plaigne d'habiter à Villiers-le-bel, parce qu'ils y vivent bien. Parce qu'ils en ont ras-le-bol de ces journalistes qui viennent les filmer comme on le fait dans une réserve d'indiens Hopis…

J'en veux beaucoup à M. Roselmack pour ce reportage. Parce qu'il est terriblement pernicieux. Derrière le voile des bonnes intentions (ah, ce regard profond, mélant la complicité et la condescendance), tout est fait pour conforter dans leur opinion ceux qui trouvent normal qu'on parle de 6 millions d'habitants des quartiers populaires comme de racailles bonnes à passer au karcher.

M. Roselmack se donne le beau rôle : malgré ses efforts pour être gentil, la banlieue ne veut pas de lui. Faire son beurre et sa promo de cette façon, sur le dos des difficultés des gens, avec la bonne conscience de celui qui ne fait pas du "Charles-Villeneuve", alors qu'il fait pire, est parfaitement écoeurant. Non, M. Roselmack, vous n'êtes pas un journaliste. Un présentateur, on le savait, un reporter ça reste à prouver. Mais le journalisme c'est un peu plus de réflexion de fond et un peu moins de postures.