C'est précisément la réaction que semble exiger de nous ce jeu. L'exigence d'une inquiétude morale perpétuelle face à la possibilité de l'Apocalypse. La rédemption de l'humanité est sans doute à ce prix. C'est un jeu de vicieux, une sorte de propagande pop qui nous confronte à des choix obtus, sous couvert d'un concept sympa et de graphismes pixel art toujours de bon ton aujourd'hui. Sans parler de la musique. Je veux dire, suis-je le seul à trouver qu'un jeu qui nous fait jouer la Passion d'un personnage lambda (John PILGRIM, pèlerin pour ceux qui ne savent pas) qui doit déjouer la vilaine tentatrice qui nous offre un verre pour réussir à sauver le monde EN ALLANT AU BOULOT le premier jour et en prenant soin de sa famille est un jeu nauséabond ? Le monde de ce jeu n'a aucune réalité en dehors du cercle familial et professionnel... C'est une moralité du moyen-âge version jeu vidéo indé, c'est insoutenable ! Je vais aller laver mon clavier et mes mains d'avoir joué à ce jeu ! Il aura eu au moins le mérite de montrer qu'on pouvait faire plus pitoyable encore que That Was Yesterday qui avait déjà fait vaciller avec une inquiétude sincère la foi que j'avais en cette rubrique chronophage. Et de m'avoir fait bien rire en voyant le collègue noir sauter du building - on est en Amérique, c'est toujours les afro-américains qui meurent les premiers, comme dans les films d'horreur. Il est bon en tout cas de savoir que des groupes évangéliques semblent investir dans le jeu vidéo cheap... Mais moins bon de voir que la rubrique Chronophages relaie ce type de jeu sans susciter plus de débats. Redonnez-nous du Jmtb02 !

Sur le débat bidouille ou pas bidouille, je me permets de minussoyer là où d'autres plussoient : permettre de rejouer, c'est précisément aller contre la logique pesante du choix unique, car en modifiant nos choix on approfondit le sens de la première fin qu'on a eue. ça permet d'affiner ce que le jeu a prévu comme espace à nos choix, nous faisant ressaisir avec plus de précision l'ampleur de sa bêtise.

Enfin, si vous m'avez lu jusqu'ici, peut-être voulez-vous une question d'une profondeur philosophique substantielle ? Très bien : jusqu'à quand devrons-nous subir dans le jeu vidéo les petit-fils dégénérés de Braid, et quelles nouvelles formes leur perversité aura-t-elle le loisir de générer ? Saurons-nous y faire face ? C'est étonnant qu'on loue de plus en plus pour leur audace, leur "expérience" ou leur "philosophie" des jeux minimalistes où l'on ne peut pas gagner et où l'accès à une signification prétendument supérieure ne se fait qu'en débordant ce qui fait proprement jouer au profit d'une dimension rognée à la littérature, au cinéma etc.

Puisse une âme sympathique entendre mon cri de désespoir.